Les journaux et blogs sont remplis de recommandations et de points de vue sur l’absolue nécessité pour les marques d’innover et dans le même temps, tout le monde tire à boulets rouges sur le modèle agence (sans même parler de la fameuse Ubérisation, ultime épée de Damoclès !)

Alors essayons de regarder froidement la situation. Le modèle agence est-il voué à disparaitre?

Y-a-t-il des modes de collaboration plus adaptés au nouveau contexte ? Et enfin, à quel prix les annonceurs peuvent-ils «passer le col» ?

Un contexte inquiétant

  • L’internalisation sur les sujets Datas/CRM est une vraie tentation et le périmètre agences forcément resserré de facto. Nous le constatons sur les chiffres des agences qui, sur un moyen terme, ont dû réduire la voilure pour maintenir la profitabilité….
  • En parallèle, les demandes Clients sont toujours plus complexes, plus larges, demandant plus d’expertise, plus de temps d’équipes mobilisées.
  • La production, notamment digitale, pour des raisons de budget et de fluidité est aussi re-questionnée et confiée à de petites structures encore moins chères et réputées plus proches.
  • Plus largement, la fragmentation notamment chez les grands annonceurs est une réalité. Les grands clients font appel à un plus grand nombre d’agences expertes d’un sujet et donc la part de rémunération de l’agence lead s’en trouve réduite d’autant…
  • Ces dernières semaines, un grand acteur du marché a cassé ses contrats agences et décidé de travailler désormais en mode-projet sur un panel d’agences pré-référencées avec des coûts à l’outil pré-négociés en amont…

Certains appels d’offres, et nous le voyons trop régulièrement, sont devenus synonymes de se dire: «demain, je devrai payer moins cher…» au lieu d’envisager de «se poser les nouvelles bonnes questions de l’époque, et trouver des réponses dans des budgets bien entendu à optimiser». Bref, sur un marché proposant une offre très importante, les clignotants sont vraiment à l’orange. Mais alors pourquoi quand tous les métiers et toutes les expertises au sein d’une entreprise s’appuient sur leurs prestataires (comme le font parfaitement les DSI avec leurs SSII et autres intégrateurs), vous détournez-vous si souvent de vos agences de communication, alors même que ce sont vos alliés les plus proches, pour trouver les réponses et les solutions qui vous aideront à «peser» au sein de vos propres organisations ?

Les agences ont des propositions à vous faire !

Pour se positionner face aux nouveaux enjeux, les agences ont pourtant muté et avancé dans plusieurs directions pour votre bénéfice :

  • Développé des modèles intégrés capables de travailler tous les touchpoints.
  • Crée des structures de production plus agiles et moins chères.
  • Seniorisé et réduit le nombre de niveaux d’interlocuteurs commerciaux.
  • Mis le digital au cœur de leurs structures bien sûr, par acquisition et/ ou rapprochement.

Le retour de la créativité

Si cette lecture est intéressante au premier abord, elle présente néanmoins selon nous un inconvénient majeur : celui de perdre de vue l’objectif de la créativité et le risque de devenir des consultants extrêmement sérieux, rationnels, experts de l’intégration et des canaux.

Or, plus que jamais, nous le constatons tous les jours, les marques ont besoin d’autre chose :

  • Une capacité à les challenger en profondeur pour amener des réponses créatives à la hauteur de leurs défis business.
  • Des gens comprenant leurs problématiques business en amont mais aussi des gens ayant la vision marque, et «le jeu de jambe» pour faire vivre une plate-forme créative au long cours en sachant en permanence ajuster le bon niveau d’investissement production/espace selon le sujet et le canal.
  • C’est aussi l’ère du collaboratif, de la co-création qui s’impose à toutes les agences. Chacun qu’il soit lead ou spécialiste d’un sujet doit se mettre en mode-partage au service de la marque. Un vrai changement pour tous les acteurs et qui s’opère malheureusement le plus souvent sans mode d’emploi :« débrouillez-vous, parlez-vous, travaillez ensemble…» alors même qu’il existe des moyens pour partager des approches/process/outils…

L’enjeu de la rémunération

Au-delà de ce point sur la créativité de vos partenaires, le dernier sujet épineux et le plus important pour optimiser la relation, c’est bien sûr celui du budget. Epoque oblige, les clients sont le plus souvent dans la logique de vouloir réduire les coûts y compris les couts agences évidemment. Ok. Et de ce point de vue, sur un moyen terme, la baisse est déjà une vraie réalité. Alors, il est toujours possible de continuer dans cette direction et déjà, certains clients proposent des niveaux de rémunération totalement indécents par rapport à l’investissement nécessaire avec le risque de voir certaines agences se retirer de ce marché…Une rémunération low-cost qui nourrit une offre agences qui se paupérise : mais où est la création de valeur ? A court terme, les meilleurs talents, qui ont souvent peu de temps puisqu’ils sont bons donc sollicités, travailleront uniquement sur des comptes rentables, ce qui amènera donc à un arbitrage qui ne peut vous être favorable si vous partez sur ce chemin…

Or selon nous, il existe une voie alternative, une solution «gagnant-gagnant» : par-delà le mode-projet qui est tentant mais ne permet pas de se substituer intégralement aux honoraires annuels; qui présente surtout le risque de précariser un peu plus les agences, accélérer la destruction de potentiel de talents et in fine, affaiblir les marques et votre fonction…

Un système hybride qui associe une rémunération set-up (par exemple pour la refondation d’une plate-forme de marque, la conception d’un territoire créatif, …). Une rémunération pour l’accompagnement annuel d’une équipe avec le juste niveau de temps-homme et de séniorité, du mode-projet qui permet évidemment la souplesse et enfin une partie incentive de préférence.

Un système qui décorelle simplement la VALEUR de la PRODUCTION.

Si une agence a vendu dix jours, mais qu’au bout de deux, elle trouve la solution qui amène une vraie supériorité à son Client, qui peut s’en plaindre ? Si une agence passe du temps, et est payée pour cela, donc investigue plus en profondeur pour aider et accompagner de facto son Client, qui en bénéficiera si ce n’est l’Annonceur ? Alors oui ce système est plus exigeant à définir au départ mais il existe des outils pour le mettre en place. C’est d’ailleurs sans doute le seul moyen pour que chacune des deux parties s’y retrouve et pour sortir du piège «il faut réduire les honoraires l’année prochaine». Il s’agit de reprendre confiance en vos partenaires, leur confier non pas un projet mais vos interrogations afin d’y réfléchir ensemble pour trouver des solutions intelligentes, pertinentes, gagnantes. Il ne pourra y avoir d’agences durablement affaiblies économiquement sans impact sur les marques in fine. Seule la volonté de préserver un subtil équilibre sera source de création de valeur.

François Fouasson